» Les temps forts de ta vie

1 - Abstraction faite de toutes les merdes qui me sont arrivées depuis mon débarquement à Bangkok, la petite vie tranquille que je menais à Rhodes me paraissait foutrement plus placide. Les fesses posées tranquillement derrière une caisse inanimée, le Café de mes anciens comme seule occupation, j’avais pour ambition de reprendre leur petite affaire et de me laisser choir là-bas jusqu’à la fin des temps. Je jouissais d’une vie plutôt simple mais turbinait en parallèle pour les ambitions d’un autre : mon patriarche. Cet homme-là, il avait qu’un seul truc en tête : que les mandales défilent à foison sur mes poings et que j’me place en tête des destructrices d’figures de la boxe anglaise. Une petite championne façonnée par la compétition, dressée par la poudre à canon. La discipline dans laquelle il me faisait trimer m’a rapporté quelques galons. Et peut-être bien que j’en ai reçu quelques distinctions honorifiques. Mais je l’ai toujours eu cette foutue sensation, d’être le rêve éveillé de mon père et de n’avoir aucun contrôle sur ma propre vie. Et ce n’est pas tant la discipline qui me posait problème, mais la marionnette que j’étais devenue pour servir ses intérêts que je pouvais plus pifer.

2 - Et c’est pour ça qu’aux premières lueurs d’un nouvel espoir, quand ce gonze s’est présenté à ma porte pour me promettre la gloire éternelle, que j’lai suivi dans cet avion sans demander la permission. Un représentant de l’empire “Venum” auquel il disait appartenir. Une boxeuse européenne, qu’il disait rechercher pour l’assister dans ses affaires. Ce gars-là me parlait du Muay Thai comme d’une légende urbaine. Me vendait les rouages comme pour me façonner à nouvelle enseigne. L’débarquement en Thaïlande, je l’ai vu comme une aubaine de me refaire loin du Gepetto qui me tenait sous son joug. Mais à quel point j’étais naïve en suivant ce demeuré pétri par l’appât du gain jusqu' ici.

3 -
La Thaïlande comme direction, un pays dont on m’avait appris que dalle au bahut. La diction que j’entendais pour la première fois en débarquant. Les premiers mois, je l’ai vite ressenti la galère tout autour de moi : mon pseudo boss me faisait faire plus de compétitions qu’il ne s’occupait de son business, l’hôtel dans lequel on cohabitait me rendait nerveuse, la langue que je ne comprenais pas me mettait mal à l’aise vis à vis des gens que je croisais. Je donnais sûrement l’impression d’être naïve, incapable de m’intégrer, manipulable au possible peut-être bien aussi, puisque mon coach prenait toutes les décisions à ma place. Incapable de m’exprimer, je sentais bien que tout glissait d’entre mes mains sans que je puisse y faire quelque chose. Alors c’est des cours, discrétos, que j’ai pris entre deux sessions d’entraînements pour apprendre le parler d’ici. Et si le thaï est une langue complexe, j’ai fini par baragouiner comme j’pouvais. A tâter de sa belle musicalité avec aplomb. Avec le temps, j’ai fini par les comprendre, toutes les crasses que mon coach balançait à mon sujet. Le mec n’était pas le représentant de la marque Venum qu’il prétendait être, prenait les paris sur ma réussite pour se baigner dans MES commissions. Pas encore les poches pleines qu’il disait. Pas encore d’efforts suffisants de ma part qu’il prétendait. Est arrivé le moment où je me suis barré, où notre contrat n’avait plus de valeur et où je comprenais-là toutes mes erreurs. Et bordel qu’il a tout tenté pour me retenir. Les balivernes, les beaux mots qui me donnaient envie de vomir. Pire que la sainte phase de rupture dans un couple en perdition.

» Le Bilan de ta vie jusqu'à maintenant

Un enchaînement d’erreurs du fait de ma candeur. Trop longtemps condamnée aux décisions des autres. Trop longtemps exploitée pour leur prospérité. Je ne laisserai plus les rênes de mon existence filer entre leurs doigts. Si ce que l’on dit est vrai et qu’il ne tient qu’à nous d’être maître de notre destin, alors je choisi la voie de l’affranchissement et de la pleine autonomie. Plus question que l'on me dicte mes choix et ma conduite.

» Tes espoirs pour l'avenir

J’ai trouvé ma place au Rising Sun peu de temps après avoir quitté l’empire toxique que l’illuminé avait bâti autour de mes capacités. J’me suis retrouvée là en pleine introspection, dégouttée d’avoir saccagé les beaux espoirs de mon père. Rentrer la queue entre les jambes ne me motivait pas. Alors j’ai décidé de rester, de me forger un nouveau destin, de m’ôter de moi toute ma naïveté. Le travail honnête que j’ai trouvé, on ne peut pas dire qu’il me convienne. Les horaires sont immondes, les couloirs sentent l’eau de javel. Mais le personnel, quand il n’est pas scientifique ou dans le haut de l’échelon, est plutôt agréable avec moi. J’me dis que tous mes espoirs pros sont déjà anéantis. Alors je me laisse choir ici, comme je l’aurai fait de toute façon en Grèce. En attendant de trouver un nouveau but mais surtout pas un nouveau challenge.