» Les temps forts de ta vie

1 - Fils unique d’un père à la tête d’une grande entreprise multinationale et d’une mère avocate, Ja est né au sein d’une famille où l’argent ne manque pas. Le luxe, les belles montres, les Mercedes et autres voitures de ce genre... Toutes ces choses-là, il les connaît bien. Gamin qui a grandi dans un monde où le chic est omniprésent, où l’on doit soigner son apparence et son image pour ne pas ternir sa notoriété; la moindre petite erreur peut coûter très chère. Bosseur, bon élève à l’école, les entités parentales lui ont enseigné que rien ne tombe du ciel, et que pour réussir dans la vie il faut être prêt à suer du front. Le jeune héritier ne manque de rien, à l’exception d’une seule chose précieuse aux yeux d’un enfant : la présence d’un père. Homme distant, souvent absent, davantage centré sur les affaires de sa propre entreprise que par celle de sa famille, rares sont les fois où il a pu attirer son attention. Petit garçon qui compte sur les doigts d’une main ces instants où il a su partager des moments de jeux et de joie avec son paternel. « C’est toujours la même chose avec toi. Tu dis toujours que ce sera la prochaine fois, mais il n’y a jamais de prochaine fois. Même maman arrive toujours à se libérer du temps pour moi, et tu sais qu’elle aussi a beaucoup de travail. Au moins elle, elle tient ses promesses. Pas comme toi. » Fossé qui se creuse entre le fils et le père au fur et à mesure que le temps passe, que les traits du petit garçon se transforment en ceux d’un adolescent.

2 - Madame Bakh est souffrante. Maladie à un stade avancé disent les médecins, détectée trop tard. Le petit Ja lui rend souvent visite à l'hôpital, et malgré les sourires solaires si propres à cette femme qu’il aime tant, il voit bien qu’elle devient de plus en plus fatiguée. Elle se bat, encore et encore, car elle s’est toujours battue, que ce soit pour elle, pour son fils, pour son mari. Pour sa famille. Pourtant, les traits du visage continuent de se creuser, rongés par les efforts d’une lutte invisible. Le petit garçon est confronté pour la première fois aux aléas terribles de la vie, à la force de la nature, comprend que pas même l’argent ne peut résoudre tous les maux. Que pas même les meilleurs médecins, le meilleur hôpital ne peut lutter contre le vice qui grandit dans le corps de sa mère. Puis un jour, elle s’est endormie pour l’éternité, laissant derrière elle un garçon de neuf ans privé de figure maternelle. Ja et Monsieur Bakh soudés pour la première et unique fois, réunis par ce même profond sentiment de tristesse qu’a laissé ce départ.

3 - La relation entre Monsieur Bakh et le fils se complexifie avec le temps. Depuis sa dix-septième année, Ja loge seul dans un appartement qui est au nom de son père. Leur relation est devenue distante, encore plus depuis ce moment où Ja a annoncé qu’il s’engagerait dans des études de musicologie. « C’est d’un héritier prêt à diriger la société dont j’ai besoin, pas d’un musicien. Mais soit, j’ai autre chose à faire que tenter de raisonner un âne buté, choisis donc ce cursus. Ne compte cependant pas sur moi pour payer tes études. On en reparlera dans deux ans, quand tu te rendras compte que vouloir vivre de sa passion, c’est comme croire en une utopie. » Indépendant, il trouve alors un job étudiant dans un petit restaurant en tant que serveur jusqu'à sa majorité, puis un poste  en tant que barman au QClub, pour pouvoir financer ses 6 années d’études, déterminé à prouver à son pater qu’il est capable de dessiner sa propre voie et ce, sans sa bénédiction.

4 - Vingtième année, vérité éclate au grand jour. Ja est convoqué dans le bureau de Monsieur Bakh, les mots tombent telle une sentence : « Tu n’es pas mon fils. Je ne peux donc te laisser hériter ce qui, je pensais, te revenait de droit. C’est sans doute mieux ainsi. » Outre le fait que cet homme a effectué un test de paternité dans son dos en jouant de ses contacts, et que sa défunte mère ait caché ce secret, cette annonce lui fait l'effet d’un coup de massue. Cela faisait maintenant bien longtemps que leur relation n’était plus au beau fixe, ressemblant davantage à celle de deux hommes d’affaires qui se tolèrent pour un intérêt commun qu’à celle d’un père et d’un fils. Pourtant, le résultat qu’il lit sur le document médical brisa une partie de son être. Tout ce qu’il croyait être son histoire, ses origines, son identité, rien de cela n’était vrai. Sentiment d’abandon, de perdition. Si aucune larme ne coule, l’âme, elle, hurle. « Cependant, tu es majeur maintenant. L’argent que ta mère et moi avions placé sur ce compte te revient. Fais-en bon usage. En souvenir de ta mère. »
En souvenir de ma mère ? Est-ce donc seulement cela que tu es capable de me dire ? L’argent, encore l’argent. Cet homme n’est décidément qu’un être insensible. Capharnaüm de sentiments. Colère, tristesse, amertume, incompréhension; tout se mêle et s’entremêle dans sa tête, alors qu’il quitte le gratte-ciel le dos droit, la tête haute en piètre digne négociant. Le cœur prêt à exploser.  

5 - Renaissance symbolique, volonté de donner une nouvelle direction à sa vie. Le fils imposteur se rend dans un temple pour y rencontrer un moine et lui demander de lui choisir un nouveau prénom. Chayan (victoire éternelle) et Sajja (vérité) lui sont proposés, deux prénoms de meilleurs augures. Le choix se portera finalement sur le premier, pour lui, le jeune homme qui regarde dorénavant vers le futur. À la fin de sa troisième année universitaire, il rendra les clefs de l’appartement de Monsieur Bakh, et viendra s’installer à Rising Sun, cachant bien de préserver la somme dont il a hérité.


6 - La musique. Une passion découverte jeune, née depuis ce jour où il a vu pour la première fois, du haut de ses cinq ans, un concert d’orchestre. Il s’en souvient encore de ce moment, presque dans les moindres détails. Accompagné de ses parents, assis là entre les deux, les yeux du petit garçon qu’il était brillaient d’émerveillement. Subjugué, intrigué, bouche entrouverte, il n’avait pas quitté un seul instant du regard tous ces artistes qui, à l’unisson, faisaient vibrer d’émotions les âmes spectatrices. Moi aussi, un jour, je serai sur cette scène à jouer aux côtés des chœurs. Début d’un rêve. Cependant, il y avait tant d’instruments. Lequel choisir ? Celui de cette femme caressant du bout de son archet les cordes délicates d’un violon ? Celui de cet homme accompagné de son fidèle violoncelle aux vibrations puissantes et au timbre éclatant ? Difficile de choisir pour l’enfant rêveur aux mirettes pleines d’étoiles. Finalement, ce sera un tout autre instrument qui le séduira, celui sur lequel il a glissé ses doigts à l’aube de sa sixième année : le piano.

7 - Contraste marquant, l’artiste se distingue de l’homme. Rares sont les fois où le thaïlandais dévoile ses sentiments, mais une fois devant le piano, loin de lui une allure impassible. Chayan vit sa musique sur scène et aime à partager ses émotions avec son public. Les sourires ne peuvent plus mentir, les interprétations sont uniques et expressives. Parfois, alors que les doigts pianotent, une perle de cristal glisse le long de la mâchoire quand la tristesse ou la mélancolie noue le cœur. Parfois, des notes agressives fracassent contre les murs quand de fortes émotions grondent à l’intérieur. Puis parfois, un tempo entraînant communique la joie quand l’organe des sentiments est empli de chaleur.

» Le Bilan de ta vie jusqu'à maintenant

Une enfance basique pour un gosse de riches, jusqu’à ce que la mère quitte ce monde. Premier coup dans la gueule. Une adolescence qui parait normale, des années de lycée semblables à celles de tous les autres élèves de sa stature, un enfant passionné, une relation avec le pater qui devient de plus en plus distante jusqu'à la fissuration complète. Vérité sur son ascendance et déshéritage qui laissent un profond goût amer, mais la détermination s’en nourrit, et permet à Chayan de continuer d’avancer.

» Tes espoirs pour l'avenir

Vivre sa vie comme il souhaite se la tracer; vivre sans chaînes; s’améliorer encore et toujours dans sa passion; peut-être intégrer définitivement un grand orchestre; fonder sa propre famille.