» Les temps forts de ta vie

1 - tu grandis dans une maison trop spacieuse, trop ordonnée, trop monochrome. Du blanc partout, des décorations qui se font rares, minimalistes, comme pour démentir la luxure d’une famille riche de par sa simplicité. Un mensonge qui ne trompe personne, soigneusement entretenu par la main d’œuvre, chiffons et plumeaux en main pour ne laisser derrière par le moindre grain de poussière. Tu n’es pas à plaindre, tu ne manques jamais de rien, et certainement pas d’amour. Mais au milieu de cet ordre une partie de toi aspire au chaos. C’est ce qui définit ta première rencontre avec l’art : chaotique. Tu expérimentes le mélange des couleurs, la peinture sur les mains, sur le papiers, et rapidement tu ne t’arrêtes pas là : tu apposes ta marque sur les murs trop blancs, sur le canapé trop immaculé, partout où ton regard se pose et tes mains se portent. Lorsque inévitablement les murs sont repeints et les fournitures remplacées, tu crises et pleures, inconsolable, des jours durant.

2 - en terme de méfaits, c’est finalement ta grande sœur qui te bat. Là où tu te montres relativement sage et calme, elle se révèle impulsive, indisciplinée. À rentrer de l’école avec les cheveux teints en rose ou un piercing dans le nez. A finir en garde-vue, prise main dans le sac en plein vol à l’étalage. A lâcher ses études pour partir faire un road trip. Et finalement revenir et entamer une carrière dans la taxidermie au grand malheur de vos parents. Toi, à côté, tu as tout de l’enfant parfait. Le sourire poli aux lèvres, les bonnes notes qui s’accumulent sur les lignes de bulletin, les éloges de tes instructeurs. Tu n’as peut-être pas pour ambition de devenir avocat ou médecin, mais lorsque tu annonces ton désir de faire de l’art ton métier, tes parents échangent un seul regard, et concluent muettement que cela pourrait être pire avant de hocher la tête.

3 - finalement, c’est ta fierté qui te met des bâtons dans les roues. Le désir de te faire connaître par tes propres moyens, de prouver, aux autres mais surtout à toi-même, que ton art est suffisant, que tu es capable d’en vivre. Arrogance très vite écrasée par la dure réalité des choses : une concurrence trop rude et un dédain trop ancré pour un métier souvent jugé comme un simple hobby,  le choix de la facilité pour les fainéants qui refusent de se salir les mains (ha). C’est à ce moment que tu rejoins le Rising Sun, sans le sou, mais prêt à tout pour réussir. Mais c’est un nouvel échec. La vie d’artiste solitaire se mêle difficilement à celle de communauté ; même pour quelqu’un d’aussi sociable que toi. C’est finalement les épaules lourdes et la tête basse que tu reviens auprès des tiens demander l'aide que tu avais rejetée.

3 - l’argent et les relations œuvrent leur magie, celle que talent et travail n’avaient su accomplir. Il ne faut pas longtemps pour que ton nom ouvre les portes qui étaient restées obstinément closes tout ce temps – tu tournes un regard aveugle aux chèques qui se font dans ton dos, les zéros qui s’alignent – la fin justifie les moyens, pas vrai ? Mais le succès, alors qu’il s’offre enfin à toi, te laisse un goût de cendre dans la bouche. Soudain on expose tes tableaux, on t’invite sur les plateaux télé, on t’accorde des pages dans les magazines. On parle de toi en termes élogieux et on vend tes œuvres à des sommes astronomiques. Tes parents sont si fiers de toi, et pourtant c'est à eux que tu dois tout ton succès. Tu méprises l'hypocrisie de celles et ceux qui ont retourné leur veste. Tu te demandes si tout cela en valait la peine.

» Le Bilan de ta vie jusqu'à maintenant

Tu es à ton apogée. Tu es à ton point le plus bas. Un doux paradoxe bercé par le mensonge ; d’un côté, les flashs des journalistes, l’argent qui coule à flot, les projets qui se cumulent. De l’autre, l'amertume qui teinte chaque réussite, les draps froissés mais vides, et la toile qui reste désespéramment blanche, te provoque lorsque tu oses y mettre de la couleur, comme pour te rappeler que tu n'es pas digne d'elle.

» Tes espoirs pour l'avenir

Retrouver le contrôle de ta vie. Retrouver l’inspiration, qu’importe la forme que ta Muse prendra, pourvu qu’elle terrasse les doutes qui retiennent ta main. Retrouver un sourire qui ne soit pas forcé alors que tout en toi te semble faux. Retrouver une compagnie qui ne soit pas éphémère, ni incitée par le champagne et la renommée. Retrouver quelque chose d'authentique, même si tu dois pour cela tout plaquer.